Lors de son traditionnel rendez-vous annuel, Hexatrust est revenu sur le sujet de la souveraineté. Si le renforcement de la commande publique reste un axe de travail, d’autres plaident pour un discours et des actes plus positifs et moins plaintifs.
Réunis à station F, les membres de Hexatrust et plus globalement l’écosystème du marché français de la cybersécurité se sont penchés à nouveau sur les questions de souveraineté ou d’autonomie stratégique. « Il se passe quelque chose sur ce sujet », glisse Jean-Noël de Galzain, président de l’association dans son discours inaugural en évoquant le climat géopolitique actuel. Pour lui, « il faut que nos industries se développent et montent à l’échelle sur la cybersécurité, sur le cloud et sur la technologie ». Pour cela, « il faut changer notre vision et notre consommation des services numériques, c’est jouable », en citant le rapport du Cigref sur le dépendance technologique. Ce dernier évalue les entreprises américaines représentent environ 83 % du marché du cloud européen, représentant 54 Md€ pour la France et 330 Md€ pour l’Union européenne. Le dirigeant évoque bien évidemment des solutions comme la mise en place d’un european buy Act pour flécher les dépenses vers des sociétés européennes notamment dans les appels d’offres.
Des marchés publics à revoir
Encore faut-il que l’Etat joue le jeu comme l’explique le député Philippe Latombe rappelant par exemple « une circulaire a été envoyé aux établissements scolaires de ne plus utiliser les suites Office de Microsoft ou celles de Google et peu de temps après le ministère de l’Education passe un appel d’offres de plusieurs millions d’euros à Microsoft ». L’élu dénonce aussi le récent appel d’offres de la Dinum sur la réalisation de services numériques en mode agile pour un budget compris entre 195 et 425 M€. « En élargissant le nombre de starts-up d’Etat, la Dinum fait ce que réalise déjà le secteur privé, un non-sens en cette période de restriction budgétaire », souligne Philippe Latombe. Un avis partagé par Alain Garnier, DG de Jamespot, « il s’agit d’une décision absurde » et de plaider pour une approche « à l’allemande avec un partenariat public-privé plus efficace ».
De droite à gauche: Jean-Noël de Galzain, président de Hexatrust, Philippe Latombe, député de Vendée et Alain Garnier, DG de Jamespot. Ils sont rappelés l’importance d’avoir des marchés publics cohérents. (Crédit Photo: JC)
Dans certains cas, les choses évoluent dans le bon sens comme l’indique le député de Vendée, « sur le health data hub, un nouvel appel d’offres a été lancé, mais cela a pris beaucoup de temps ». Il veut aussi s’atteler à réviser les missions de l’Ugap. La centrale d’achat public doit prendre en considération des éléments géopolitiques. « L’executive order sur les juges de la Cour Pénale Internationale et la volonté du Sénat de donner priorité aux achats américains pour les puces Nvidia avant toute vente à l’étranger donc en France doivent nous faire réfléchir », observe-t-il. De son côté, Alain Garnier prône pour « un changement d’état d’esprit de l’Ugap et qu’elle passe de 3% des marchés publics en France à 10% ».
Des narratifs et des actes plus positifs
Si le discours sur l’appel à la commande publique est récurrent dans ce type d’évènement, le ton a changé sur la table-ronde réunissant l’administration, les acteurs de la filière, l’Anssi et le Campus cyber. Son président, récemment nommé, Jeoffrey Célestin-Urbain estime « qu’il y a beaucoup de discussion autour de la souveraineté mais de peu de réalité pratique. Il faut dire combien cela coûte, avoir des métriques, disposer d’un ROI. Il est nécessaire quand une négociation a échoué de faire un retex pour savoir pourquoi l’offre n’a pas été retenue ». Il ajoute, « nous devons aussi avoir des start-ups accompagnés de bout en bout avec la création prochaine au campus d’un incubateur et d’un studio en complément du booster ».
Vincent Strubel, directeur général de l’Anssi et Jeoffrey Célestin-Urbain, président du Campus cyber (respectivement 2e et 3e en partant de la droite) ont plaidé pour des actes sur la souveraineté numérique. (Crédit Photo: JC)
Ce changement de ton est partagé par Vincent Strubel, directeur général de l’Anssi. Sur les marchés perdus, « on n’engueule pas les clients, il faut voir ce qui n’a pas fonc », souligne-t-il. Tout en ajoutant, « nous avons certainement besoin d’un narratif plus positif, faire du marketing et créer des champions ». Surtout dans un contexte où la réglementation comme NIS 2 va imposer des contraintes aux PME et aux collectivités locales. Il faut donc inventer des actes tangibles comme la mise en place d’un indicateur de résilience, tel que la récente initiative Edrix de Stéphane Fermigier.