Big 2025 : Un discours sans surprise orienté vers l’IA

L’évènement organisé par Bpifrance a fait la part belle à l’IA avec à la fois un discours politique, mais aussi des projets avancés au sein des entreprises. La technologie sert par ailleurs au développement de start-ups dans le domaine de la santé.

La 11ème édition de Big pilotée par Bpifrance s’est ouverte ce matin à l’Arena Bercy, à Paris, dans un contexte « de vents mauvais contre les entrepreneurs », souligne d’emblée Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance et organisateur de l’évènement. Sans citer nommément les sujets qui fâchent comme la taxe Zucman, le dirigeant refuse que l’on « stigmatise, accuse les entrepreneurs. Ils sont probablement la solution et non un problème ». Un discours qui a trouvé écho auprès d’un public conquis. L’évènement attendait un peu plus de 80 000 visiteurs pour assister aux présentations et au ateliers tout au long de la journée du 23 septembre. De son côté, le président de la République Emmanuel Macron a délivré dans une vidéo un message très orienté sur l’IA. « Il faut que nous arrivions à créer un marché européen du numérique et de l’IA. Des travaux sont faits dans ce sens par le couple franco-allemand. Les entreprises pourront ainsi avoir accès à un marché, à des financements plus importants ». Il ajoute, « nous devons diffuser plus largement l’IA au sein du service public et des entreprises de toutes tailles avec le programme Osez l’IA ».

Des expérimentations très encadrées à la Macif

Après ces discours très politiques, Big est aussi le lieu où entreprises et start-ups montrent leur savoir-faire et leur retour d’expérience en particulier sur l’IA. C’est le cas de la Macif qui a présenté sa stratégie dans ce domaine. « Nous avions deux axes dans lequel l’IA avait un intérêt. Tout d’abord le routage des demandes vers les bons experts. Nous agissons comme une grande gare de triage et nous pouvons être débordés. L’autre aspect est la résilience en cas de problème climatique, comment sécuriser une zone, passer en mode dégradé », explique Yann Arnaud, directeur réponse besoins des sociétaires et Innovation à la Macif. Des travaux ont donc été menés sur ces cas d’usage, « mais dans une démarche modeste », précise Siham Harroussi, directrice innovation au sein de la mutuelle. En ajoutant, « il ne s’agit pas de faire de l’IA pour l’IA, mais dans un cadre de confiance, sécurisé et éthique ».

Yann Arnaud, directeur besoins réponses des sociétaires et innovation, et Siham Harroussi, directrice innovation, de la Macif sont venus témoigner de l’usage de l’IA au sein de la mutuelle. (Crédit JC)

Dans ce sens, « nous avons préféré couper tous les outils et travailler sur un manifeste encadrant l’usage de l’IA », souligne Yann Arnaud. Pendant un an, les équipes ont élaboré ce manifeste « qui est moins figé qu’une charte », observe le dirigeant. Dans ce document, plusieurs choses ont été intégrées comme « l’évaluation des IA, les garde-fous sur les biais, les hallucinations, la conformité réglementaire (RGPD, IA Act,…), la sécurité », glisse Siham Harroussi. « Ce cadre a permis de travailler sur les projets IA en toute sécurité et cela apporte du confort aux équipes », constate-t-elle. Tout en plaidant pour l’expérimentation dans un premier temps, « certains cas ont été des succès comme le code assisté pour les développeurs ou l’assistant IA à destination de nos collaborateurs avec les données sensibles de l’entreprise ». Il reste encore des interrogations rapporte Yann Arnaud, « il est encore difficile d’évaluer l’IA et notamment son coût, cela prend du temps, des ressources, de l’argent. Cette question du coût est un vrai angle mort aujourd’hui », constate-t-il.

L’IA au service de la santé

Si les entreprises adoptent progressivement l’IA, les start-ups ne sont pas en reste et notamment celles dans le domaine de la santé. Ainsi, Kurage s’adresse « à des personnes qui ont un handicap moteur acquis, par exemple celles qui ont fait un AVC, qui ont une blessure de la moelle épinière, qui ont des scléroses en plaques, et nous allons les aider à retrouver de l’autonomie », explique Amine Metani, directeur technique et co-fondateur de la start-up basée à Lyon. La solution mélange du matériel (pantalon, électrodes et capteurs) pour la stimulation des muscles et des algorithmes (machine learning et IA). « Grâce aux électrodes, nous envoyons des impulsions électriques aux muscles pour déclencher des contractions. Celles-ci doivent être déclencher au moment adéquat pour aider la marche, le vélo, l’escalier, … » précise le dirigeant. L’IA va aider à trouver ce bon moment « est-ce qu’il faut poser le talon ? Est-ce qu’il faut décoller les orteils ? Et en fonction de ça, on peut appliquer des stratégies de simulation », ajoute-t-il. En collectant beaucoup de données en temps réel, « nous connaissons exactement comment la personne marche, si elle fait des progrès, et s’il faut adapter la stratégie de rééducation », assure Amine Metani. La solution est en cours de déploiement dans des établissements de santé comme le LBMC (laboratoire de biomécanique et mécanique des chocs) à Bron et le centre de réadaptation du Val Rosay à Saint Didier au Mont d’Or. A l’avenir, la société veut améliorer ses algorithmes « pour détecter des défauts supplémentaires comme l’hyper extension ou un appui sur le bord externe du pied. L’objectif est aussi de proposer aux thérapeutes des recommandations et de les automatiser ».

Amine Metani, CTO et co-fondateur de Kurage, présentait la solution mêlant matériel, capteurs, électrodes et algorithmes pour l’aide à la rééducation de la marche. (Crédit JC)

De son côté, Huvi s’attaque à la détection du mélanome, un cancer de la peau qui se manifeste par une tâche cutanée de couleur brune. « Nous avons développé un logiciel basé sur l’IA pour évaluer un risque de mélanome. Il vient d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché et s’adresse aux personnels de santé (infirmières, pharmaciens, généralistes) qui peuvent à partir d’une image voir si le patient doit être orienté vers un dermatologue », explique Léonie Schröder, co-fondatrice de Huvi. Sur le plan technique, la société a créé un modèle spécifique avec de la computer vision et du machine learning. Il a été entraîné « avec une base de 100 000 photos de mélanome ». Côté précision, « nous avons réalisé des essais cliniques sur 3 000 personnes et la sensibilité est de 96 à 100% c’est-à-dire la capacité à ne pas rater les patients qui sont à risque de mélanome. Sur la partie spécificité, c’est-à-dire la capacité à filtrer efficacement les patients bénins, les résultats vont de 72 à 88% ». Sur le fonctionnement de l’IA, Léonie Schröder souligne, « en dermatologie, il y a la règle ABCDE qui permet de déterminer si c’est malin ou bénin. C’est la symétrie, la bordure, la couleur, le diamètre et l’évolution qui sont des paramètres évocateurs pour les humains de potentiel mélanome. Mais pour l’IA, c’est différent. Elle définit ses propres patterns statistiques et reconnait des tendances. Elle se dit que potentiellement quand il y a une courbe comme celle-ci, cela peu-être dangereux ». En termes de débouchés économiques, Huvi propose deux offres : une avec abonnement à destination des professionnels indépendants et une autre avec un paiement par patient pour des plus gros volumes de patients comme les établissements de santé, des entreprises, des médecines du travail. A l’avenir, la société veut aussi se développer dans la détection d’autres maladies de la peau et prévoit une levée de fonds en 2026.

A partir d’une image prise par smartphone, l’IA de Huvic permet de lever le doute sur la présence d’un mélanome. (Crédit Photo: Huvi)

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