La police australienne automatise l’analyse des preuves avec le moteur d’IA Söze

Quand ils enquêtent sur un crime, les policiers finissent souvent par recueillir des térabytes de preuves numériques, notamment des courriels, des textes, des messages sur les médias sociaux, des photographies et des images de vidéosurveillance. La solution dans le cloud développée par Microsoft en partenariat avec Modis va permettre à la police australienne d’automatiser l’analyse de leurs preuves.

L’inspecteur Tim Thomas de la police australienne exploite les outils développés avec le concours de Microsoft et Modis. (Crédit D.R.)

Trouver manuellement des connexions et des modèles dans les données est une tâche qui prend beaucoup de temps, avec le risque de passer à côté d’informations importantes. Pour les aider à relever ce défi, la Western Australia Police Force (WAPF) pilote une solution dans le cloud développée par Microsoft en partenariat avec Modis pour automatiser l’analyse de leurs preuves. Selon la police, les premiers résultats sont prometteurs. Quand la plate-forme – appelée Söze, d’après le personnage Keyser Söze du film The Usual Suspect – a été utilisée en soutien d’une enquête démarrée depuis six semaines, elle a fouillé toutes les preuves disponibles et identifié 18 points d’intérêt. « Parmi ces points, il y avait des choses que les enquêteurs savaient déjà, ce qui était bien. Il y avait d’autres choses qui n’étaient pas vraiment importantes, mais il y avait des choses qui étaient importantes », a déclaré Anthony Doig, directeur de l’innovation chez Modis, l’ESN filiale du groupe Adecco.

« Le temps nécessaire à la recherche de preuves numériques a également été réduit », a ajouté M. Doig. Par exemple, les agents peuvent trouver des adresses, des comptes bancaires ou des armes à feu dans des centaines de milliers d’images en quelques heures, contre plusieurs mois, quand le travail est effectué manuellement. La plateforme est aussi capable de trouver rapidement des liens entre les preuves. « Söze a trouvé la photo d’une personne, puis des données complètement différentes, comme un message texte ou la mention d’un lieu déjà évoqué précédemment, ce qui veut dire qu’elle peut commencer à relier les informations et les présenter aux enquêteurs », a expliqué Anthony Doig.

Inciter les policiers à utiliser les outils numériques 

La plate-forme basée sur Microsoft Azure, ingère des copies de preuves, les originaux restant dans les mains de la police. Cela signifie « qu’il n’y a aucun risque de compromettre la chaîne de preuves », a déclaré Microsoft. Les services cognitifs Azure Cognitive Services fournissent un socle de fonctionnalités supplémentaires à la plate-forme, comme la traduction, la reconnaissance faciale et l’analyse de textes et d’images. Pendant la phase pilote, la capacité de la police à utiliser l’information numérique dans le cadre d’une enquête a augmenté de 90 %, d’après les mesures faites par la Western Australia Police Force.

Pour l’inspecteur détective Tim Thomas, responsable des opérations secrètes en ligne, des opérations de preuves numériques et des enquêtes sur la cybercriminalité pour la WAPF, la plate-forme a provoqué un « changement de paradigme ». « C’est un peu comme troquer une cuillère par un couteau et une fourchette. Ce n’est pas grand-chose, mais six repas plus tard, vous vous dites que ça fait vraiment une différence », a-t-il déclaré.

Un outil d’enquête à fort impact

L’inspecteur Thomas et son équipe travaillent actuellement avec Modis et Microsoft pour développer plus de fonctionnalités. « Nous pourrons lancer des procédures du genre : « montrez-moi toutes les photos prises par la police avec cet appareil » ou « montrez-moi toutes les informations dont nous disposons en rapport avec tel lieu ». Ajoutant que, « actuellement, aucun service de police ne pouvait faire ce genre de corrélation ». Il en a expliqué l’intérêt : « par exemple, si nous arrêtons une personne qui produit, possède ou diffuse de la pornographie juvénile, nous pourrons trouver toutes les photos qu’elle a prises rapidement et facilement parmi celles qui sont en notre possession. Cela nous permettra d’avoir rapidement une vue d’ensemble des lieux où la personne s’est rendue, de l’identité de ses complices et de ce qu’elle a fait. On trouvera peut-être des victimes qui n’avaient encore été identifiées. L’impact de cet outil sur une enquête est donc important, et ce n’est qu’un exemple », a ajouté l’inspecteur Thomas.

La plateforme pourra également protéger la police contre ce qu’elle redoute le plus : passer à côté de preuves cruciales qu’elle possède déjà. « Si par le passé, ce problème était essentiellement lié à une mauvaise gestion de l’information, aujourd’hui, il résulte d’une surabondance de données », a dit M. Thomas. Ce dernier cite l’affaire de l’ « Éventreur du Yorkshire », en Grande-Bretagne. La police du West Yorkshire avait été accusée d’avoir mal géré l’enquête. En effet, elle avait interrogé et relâché le meurtrier Peter Sutcliffe neuf fois avant qu’il ne soit finalement inculpé. « En termes simples, ils sont passés à côté de preuves qui étaient déjà en leur possession. Et si les technologies de l’information ont atténué ce problème pendant un certain temps, cette période de grâce est terminée. Cette même technologie nous submerge aujourd’hui d’une quantité incompréhensible d’informations », a déclaré Tim Thomas. « Quelque chose doit changer, et l’objectif de cette preuve de concept est de mettre au point une plateforme qui va nous aider à trouver les informations importantes qui pourraient nous échapper », a-t-il ajouté. 

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