Le Grand équipement national de calcul intensif (Genci) a commandé auprès d’Eviden un système de calcul haute performance d’une puissance d’un exaflop dénommé Alice Recoque. Il embarque notamment des GPU MI430X d’AMD apportant un bon équilibre entre capacités HPC et simulation numérique, entrainement et inférence.
Premier supercalculateur exascale européen (4e au niveau mondial dans le dernier Top500 de novembre 2025), le Jupiter Booster installé au centre de recherche de Jülich en Allemagne ne sera bientôt plus seul. Le Genci (Grand équipement national de calcul intensif) développe en effet un supercalculateur exaflopique baptisé Alice Recoque. Fraichement annoncé, en plein SuperComputing 2025 qui se tient en ce moment à Saint-Louis dans le Missouri (16-20 novembre) ce système – qui tient son nom d’une célèbre informaticienne Française née en Algérie en 1929 – ne sera cependant pas livré avant fin 2026 voire début 2027. Ce supercalculateur sera beaucoup plus puissant que le Jean Zay dont la puissance de calcul avoisine 100 pétaflops. « Cette machine sera 40 fois plus puissante que notre flagship Jean Zay », nous a indiqué Stephane Requena, CTO du Genci. Il disposera en outre de capacités équilibrées pour répondre à la fois à des besoins de recherche et de calcul scientifique que d’IA (apprentissage et inférence). « On dit souvent que le HPC a besoin de l’IA mais l’IA a aussi besoin du HPC pour passer à l’échelle dans la génération de données synthétiques et dans l’optimisation, donc le fait d’avoir ces deux capacités dans une même architecture convergée accélèrera beaucoup la découverte scientifique », poursuit M. Requena.
Au coeur d’Alice Recoque on trouve des CPU Epyc Venice, des GPU Instinct MI430X – tout juste annoncés et prévus pour 2026 – d’AMD, interconnectés par la technologie BullSequana eXascale Interconnect (BXI) d’Eviden dans sa dernière plateforme XH3500, couplée à du stockage DDN. « Le modèle de puce MI430X est à cheval entre le calcul et la recherche scientifique et l’IA et c’est pour cela qu’on l’a choisi parce qu’il réunit le meilleur des deux mondes », explique M. Requena. « C’est un GPU qui a de très bonnes performances en HPC et en simulation numérique, et à la fois en entrainement et en inférence […] Il est très équilibré et amène beaucoup de puissance de calcul et de capacités mémoire ». Parmi les autres caractéristiques ayant poussé le Genci à se tourner vers ce GPU, sa capacité de 432 Go de mémoire HBM4, taillée pour charger de très gros modèles à la fois pour du training mais aussi de l’inférence. En production, ce système devrait par ailleurs consommer un peu moins de 15 mégawatts, soit un peu moins que les machines actuelles tournant autour des 20 mégawatts. « Le système sera capable d’entrainer des modèles de plusieurs centaines de milliards de paramètres, de développer des modèles d’IA agentique et pour la robotique », promet M. Requena.

Les GPU Instinct MI430X sont attendus en 2026. (crédit : AMD)
100 000 coeurs Rhea 2 de SiPearl aussi embarqués
Interrogé sur le nombre de puces AMD (CPU et GPU) embarquées dans le supercalculateur Alice Recoque, le Genci reste discret. « Je ne peux pas vous dire combien il y en a mais il sera l’un des plus performants et se positionne au même niveau que les plus gros supercalculateurs actuels », fait savoir M. Requena. « Nous ne serons pas dans des capacités à 100 000 ou 500 000 GPU comme ceux des hyperscalers comme Colossus [le supercalculateur de xAI en service depuis septembre 2024] mais dans la moyenne des machines à plusieurs milliers de GPU ». A noter que le système Alice Recoque ne repose pas exclusivement sur des puces AMD : il embarquera aussi un millier de processeurs Rhea 2 (100 000 coeurs Arm) de la société SiPearl, néée de l’European processor initiative lancée en 2018. « C’est vraiment important pour nous à une époque où l’Europe doit regagner de la souveraineté technologique à la fois au niveau du HPC, de l’IA et des usages », assure M. Requena.
Le système HPC et IA du Genci contiendra des noeuds de calcul – dont le nombre n’a pas été communiqué – dans des partitions distinctes pour regrouper d’un côté des CPU et GPU d’AMD pour faire du HPC, et de l’autre des CPU SiPearl 2 dédiés à de la simulation numérique pour des applications qui ne sont pas encore portées sur des GPU. « Nous avons encore beaucoup d’applications scientifiques qui tournent uniquement sur des CPU, donc nous allons pour cela fournir le meilleur de la technologie européenne avec les processeurs de SiPearl », indique M. Requena. « Toutes ces partitions vont être fédérées par un réseau très haut débit entre 400 et 800 gigabits ».
Un coût de 544 M€ sur 5 ans
Ce système a été commandé par le Genci auprès d’Eviden, son partenaire historique dans le HPC depuis 2007 en qui il a pleinement confiance. Il s’agit de la plus grosse acquisition de cet organisme qui sera hébergée et opérée au TGCC, le très grand centre de calcul du CEA, à Bruyères-le-Châtel, près d’Arpajon (Essonne). Ce projet, dont le coût total s’élève à 544 M€ (sur 5 ans), est financé par EuroHPC, organisme public européen fédérant 36 Etats pour déployer des grands systèmes de calcul capables de rivaliser avec des concurrents américains et chinois. Le budget provient du programme numérique européen (Digital Europe programme) et par le consortium Jules Verne, dirigé par la France via le Genci et le CEA, avec la participation de la coopération informatique néerlandaise Surf et de la Grèce avec Grnet.