
A l’occasion de sa conférence Connect 2025 à Orlando (13-15 mai), la rédaction s’est entretenue avec Mike Capone, CEO de l’un des derniers pure players historiques du marché de l’analytique. IA agentique, gouvernance et sécurité des données ainsi qu’un data lakehouse construit sur Apache Iceberg sont au coeur des enjeux de l’éditeur.
LMI : Comment se porte Qlik, un des derniers pure player historique de la BI et du décisionnel, en 2025 dans un contexte de pression sur les coûts, doutes macroéconomiques et concurrence féroce ?
Mike Capone : Plus fort que jamais. Comme vous le soulignez, nous sommes en activité depuis plus de 30 ans et nous sommes vraiment en quelque sorte le dernier fournisseur analytique de cette envergure. Mais nous sommes maintenant beaucoup plus que cela, et je pense que c’est ce qui nous a permis de survivre et de prospérer parce que nous ne nous sommes pas arrêtés à l’analytique. Ainsi, au cours des sept dernières années, nous avons construit l’ensemble de notre plateforme d’intégration, de gouvernance, de transformation, et de qualité des données. Ce que nous avons fait est d’avoir résolu un problème beaucoup plus important pour nos clients que celui de l’analyse et des tableaux de bord. Nous avons vraiment résolu le problème complet, de bout en bout, des données brutes jusqu’aux informations, et tout ce qui se trouve entre les deux.
Je pense que nous avons redéfini le marché en termes de besoins des clients et que nous occupons donc une position unique parce qu’aucun concurrent ne peut faire tout ce que nous faisons alors que nous pourrions être en concurrence dans le domaine de l’analytique avec une entreprise comme Microsoft par exemple. Quand un client nous choisit il veut une solution complète de bout en bout pour l’aider à obtenir ses données, à les gouverner et ensuite à les analyser. Nous sommes les seuls à pouvoir le faire, ce qui nous place dans une très bonne position concurrentielle.
Après les chatbots, les agents sont là et vous avez annoncé entrer dans « l’expérience agentique » : qu’est-ce que cela représente pour les utilisateurs et les entreprises ?
Les agents IA ne sont pas nouveaux en réalité. Il y a beaucoup de buzz autour de l’agentique en ce moment. Pour nous, ce qui est important, c’est que nous avons des agents qui s’insèrent à l’ensemble de notre plateforme et pas seulement sur l’aspect analytique mais aussi à l’intégration et à la gouvernance des données. Nous avons une plateforme indépendante. Je pense que ce que vous entendez souvent à propos des agents, c’est qu’ils sont au-dessus d’une application commerciale, un CRM, un système de gestion, le service IT… Mais ce que nous faisons, c’est que nos agents travaillent sur tout, donc vous connectez vos données, vous construisez des pipelines, et ensuite nos agents travaillent pour que vous ne vous souciez plus de l’endroit où trouver vos données. Nous vous aidons simplement à le faire avec des agents. Les agents améliorent l’expérience pour les utilisateurs mais plus important encore, ils apportent un meilleur résultat parce que vous êtes vraiment en mesure de construire la qualité et la confiance dans vos données.
Jusqu’à quel point l’IA agentique aura-t-elle un impact à la fois sur la vision du logiciel de conception et sur les avantages pour l’utilisateur ? Parce que ce sont les deux faces d’une même pièce.
Oui. Vous pouvez utiliser des agents pour construire un pipeline de données qui vérifieront la qualité des données qui passent par ce pipeline, et ils vous diront s’il faut les ajuster parce que les modèles et les données ont changé, etc. Si vous êtes un utilisateur final, vous pouvez maintenant automatiser des tâches. Ainsi, lorsque vous obtenez un insight, par exemple vos analyses indiquent que votre tarification est erronée ou que vous n’êtes pas en mesure d’effectuer les tâches nécessaires, un agent peut automatiquement voir cela et faire un changement automatique de prix. Il s’agit donc d’une véritable automatisation. Cela va automatiser les tâches qui nécessitaient auparavant que quelqu’un regarde un tableau de bord et dise, « oh je dois faire un changement et vous savez, je vais aller ici et ensuite je vais aller là… » Désormais, l’agent se charge de tout cela. Vous avez une solution qui gère l’interaction de bout en bout.
Le prompt texte est-il complémentaire ou s’oppose-t-il d’après vous à l’interaction vocale que vous avez par exemple dans Qlik Answer ?
Nous soutenons les deux parce que nous sommes complètement ouverts. Nous avons des API et des interfaces qui peuvent vous permettre d’interagir avec différents outils dans vos données. Mais ce que nous faisons, qui est vraiment unique, c’est notre capacité de langage naturel dans Qlik Answers d’utiliser des données non structurées. Donc tout ce qu’il y a dans les emails, les PDF, Slack et les données structurées, ce qui se trouve dans vos applications Qlik… Vous serez en capacité d’obtenir des informations que personne n’aurait jamais pu obtenir auparavant.
Vous venez d’annoncer Cloud Analytics : en quoi est-ce un produit plus performant que ce que vous proposiez jusqu’à présent ?
Qlik a toujours été un produit performant. Il y a 30 ans, nous avons inventé l’analytique en mémoire, un moteur d’analyse à grande vitesse qui a surpassé tous les autres parce qu’elle n’était pas basée sur SQL. Personne ne peut reproduire cela. Les changements aujourd’hui sont dans une puissance de calcul infinie, avec les hyperscalers comme AWS vous avez autant de mémoire que de puissance de calcul que vous voulez, et puis toutes les améliorations que nous avons construites au-dessus de Qlik Sense ou Qlik Cloud Analytics. L’apprentissage automatique, les capacité GenAI… nous avons vraiment rendu la plateforme plus puissante. Et puis la dernière chose c’est que maintenant que la plateforme d’analyse est intégrée à notre data platform, vous pouvez résoudre des problèmes vraiment plus grands et importants de cette façon.
Vous venez d’annoncer Open Lakehouse conçu sur Apache Iceberg : cette offre ne va-t-elle pas mettre en péril vos partenariats avec Databricks et Snowflake ? Si ce n’est pas le cas, comment allez-vous continuer à les intégrer ?
Non. Snwoflake a une solution Iceberg et aussi Databricks avec Tabular. En fait, cela renforcera notre partenariat avec Snowflake et Databricks parce que ce que nous constatons, c’est que les clients veulent avoir le choix. Vous ne pouvez pas les forcer à tout faire d’une seule manière, et nous devons tous gérer les coûts. Cela fait partie des opérations quotidiennes. Databricks est un grand sponsor de notre conférence ici et Snowflake de notre Partner Summit. Donc, nous sommes en très bons termes avec eux ils sont complémentaires et pas face à nous.
Apache Iceberg est devenu une norme de facto. Comment voyez-vous l’évolution technique des formats de données ?
Cela va continuer, même si maintenant avec Iceberg, nous avons résolu une plus grande partie du problème. Il n’est plus seulement question de données structurées, de type de format de fichier plat… je pense que ce que nous verrons ensuite ce sont des itérations sur ce sujet.
En 2018 lorsque vous avez pris la fonction de CEO de Qlik vous aviez déclaré qu' »Il faut une culture de la data dans l’entreprise ». 7 ans plus tard diriez-vous qu’il faut une culture de l’IA agentique ?
IA et donnée agentique mènent en fait à la même chose. Je pense donc que nous avons besoin d’une culture dans laquelle l’IA n’est pas quelque chose de spécial mais de simplement normal. Vous savez, elle fait partie de notre vie quotidienne. Elle complète et soutient ce que nous faisons. Il faut qu’elle soit intégrée dans le flux de travail des gens. L’IA doit être disponible dans la façon dont nous faisons les choses aujourd’hui. C’est comme lorsque vous allez sur Amazon, vous faites des achats et l’IA est là pour vous dire, « oh, les gens qui ont acheté ceci, ils ont aussi acheté cela et nous pensons que vous aimerez peut-être ces produits ». Ce sont ces suggestions qui doivent être faites par l’IA. Cela fait partie de notre flux de travail quotidien. C’est la culture que nous devons construire.
Mais il demeure pour l’humain une peur d’être remplacé par une IA…
Pour la plupart des professions, je ne crois pas que ce soit le cas. Les véhicules autonomes, ou, vous savez, les camions, vont être autopilotés à un moment donné, donc cela va être un changement. Mais je ne pense pas que la crainte soit que l’IA vous remplace. Je pense que la crainte est que quelqu’un qui utilise l’IA mieux que vous vous remplace, tout comme quelqu’un qui est plus à l’aise avec l’utilisation de l’IA vous remplacera. Je pense que c’est comme la programmation : c’est vrai, il faut être un meilleur programmeur, il y a des façons modernes de programmer, si quelqu’un de meilleur arrive. Donc, ce que je dis toujours aux gens, c’est d’être à l’aise avec l’IA, et alors vous ne serez pas remplaçable. Si vous ignorez l’IA, vous serez très désavantagé.
La gouvernance et la sécurité des données sont des éléments très importants pour les entreprises aujourd’hui. Comment relevez-vous le défi dans ces domaines, et quels sont vos principaux avantages.
Vous savez, nous travaillons avec les plus grandes institutions financières du monde. Presque tous les secteurs réglementés ont des clients. Nous répondons à toutes leurs normes, nous sommes donc très satisfaits de notre position en matière de sécurité. Nous n’utilisons pas les données de nos clients pour le profit. Les données des clients sont des données des clients. Nous ne les vendons pas, et nous respectons beaucoup cela. La chose unique que nous avons, c’est la capacité de lignage des données. Donc, l’une des choses qui est une grande préoccupation en Europe, en France et en Allemagne, c’est de transférer sur notre plateforme : nous savons toujours d’où viennent les données, cela apparait dans l’infrastructure de Qlik, et on peut dire que cela vient d’un ERP, de SAP en Allemagne. Nous donnons aux clients la capacité de vraiment comprendre, par exemple, d’où viennent leurs données, où elles vont, quels sont leurs flux, et de s’assurer qu’ils ne se retrouvent pas dans ces situations où les données ont été exfiltrées à un endroit où elles n’auraient pas dû se trouver. Nous avons ouvert des régions Cloud souverain dans différentes parties du monde, les dernières étant au Moyen-Orient, à Dubaï où nous assurons que nous respectons les règles de souveraineté des données.
Vous avez racheté beaucoup d’entreprises : Attunity, Blender.io et bien sûr Talend. Comment relevez-vous le défi de l’intégration qui parfois n’est pas une mince affaire avec toutes ces cultures de développement et empilements technologiques…
Nous avons un énorme avantage. Nous sommes nés en Suède et nous avons construit un très grand réseau de distribution aux États-Unis. Nous avons aussi racheté une société israélienne, Attunity, et une société française, Talend. Nous sommes maintenant comme la ville de New York, nous sommes multiculturels, de par notre métier nous sommes très ouverts. Nous comprenons déjà les différentes cultures. Nous respectons les différentes cultures. Nous opérons dans 30 pays. Nous avons des clients dans 100 pays. Il a été très facile d’accueillir les Israéliens et, en fait, les cultures se complètent. Vous savez, les ingénieurs suédois certifiés sont vraiment comme les Israéliens. Ils aiment résoudre des problèmes difficiles, n’est-ce pas ? Alors, vous les mettez ensemble, et ils travaillent vraiment bien ensemble, c’est une vraie force. Et puis, nous avons développé un très bon système d’intégration des acquisitions. Nous ne laissons pas les choses en l’état, ce n’est pas ce que nous faisons. Avant d’acheter quoi que ce soit, nous avons un plan et nous nous assurons que cette entreprise fera partie de Qlik à 100 % et sera indiscernable. Et puis quand nous avons une marque forte, comme Talend nous utilisons sa marque. Nous venons de réaliser un certain nombre de nouveaux investissements qui nous ont permis de nous positionner de manière très satisfaisante. Nous sommes prêts pour le prochain chapitre.