Interview Nacira Salvan, présidente du Cefcys : « Le rôle des femmes en cybersécurité est nécessaire et insuffisant »

Présidente et fondatrice du Cercle des Femmes de la Cybersécurité, Nacira Salvan revient sur les raisons de la création de cette association, les objectifs poursuivis et sa place par rapport aux autres clubs existants. Deux nouvelles sessions de formation gratuite aux métiers de la cybersécurité à Marseille et Paris seront ouvertes en partenariat avec la Wild Code School.

« Au travers des actions de mentorat, de formation, de coaching, on va essayer de faire en sorte qu’il y ait plus de femmes en cybersécurité », explique Nacira Salvan, présidente et fondatrice du Cefcys. (crédit : D.R.)

LMI. Madame Nacira Salvan, vous êtes présidente du Cefcys. Qu’est-ce que le Cefcys ?

Nacira Salvan. Je suis Présidente fondatrice du Cefcys, le Cercle des Femmes de la Cybersécurité. C’est une association loi 1901 à but non lucratif créée en janvier 2016 qui a pour principal objectif la promotion et la présence des femmes dans le domaine de la cybersécurité*.

Pourquoi créer un club de femmes dans la cybersécurité ?

C’est une association, ce n’est pas un club fermé. Elle est ouverte à tout le monde, des hommes, des femmes, quel que soit leur métier exercé dans la cybersécurité. Comme vous le savez on manque cruellement de compétences en cybersécurité, et il y a des études qui parlent, comme celle de Cybersecurity Ventures, d’un besoin d’ici 2021 de 3,5 millions de postes ouverts à travers le monde. Alors pourquoi s’interdire à 50% de la population de ces métiers, à la fois intéressants, dynamiques et très passionnants. Pourquoi ce cercle ? L’objectif à travers les actions du Cefcys de faire venir ces femmes dans ces domaines passionnants et intéressants qui dès le départ, probablement comme le numérique, souffre un peu d’une certaine stigmatisation : le numérique c’est pour les hommes pas forcément pour les femmes, ou de façon globale la cybersécurité souffre encore de ce type d’idée.

Trouvez-vous que la place et le rôle des femmes dans la cybersécurité aujourd’hui sont insuffisants… nécessaires ?

Il est nécessaire et insuffisant. Les dernières statistiques ISC2 puis aussi Kaspersky, montrent uniquement 11% de femmes dans la cybersécurité. Encore une fois c’est un domaine très intéressant, très dynamique qui a besoin à la fois des hommes et des femmes, et ça se complète en fait. L’objectif c’est d’avoir des équipes qui ne sont pas purement femmes ou hommes, certainement moins intéressantes probablement que des équipes mixtes parce que chacun apporte quelque chose, sa sensibilité pour une démarche globale.

Comment le Cefcys se positionne par rapport à d’autres groupes, associations, clubs comme le Clusif-Clusir, le Cesin…

Le positionnement du Cefcys par rapport à ce qui existe déjà, c’est d’abord une association pour la promotion de la femme. Au travers des actions de mentorat, de formation, de coaching, on va essayer de faire en sorte qu’il y ait plus de femmes dans ce domaine. Le Cefcys n’est pas exclusif aux RSSI, elle est ouverte aux hommes et aux femmes dans les métiers de la cybersécurité, consultants, développeuses-développeurs, RSSI, les étudiantes qui veulent comprendre les métiers de la cybersécurité qui ne sont pas très connus. Toutes ces associations se complètent et travaillent ensemble. Nous avons d’ailleurs des partenariats avec certaines associations et on souhaite avoir un partenariat avec toutes les associations qui nous listent.

De la même façon qu’à l’échelle européenne il y a la fondation Women4Cyber créée par l’ECSO [European Cyber Security Organisation] dont le secrétaire général qui a trouvé l’initiative et la démarche du Cefcys très intéressante et m’a appelé pour me demander de faire partie des membres fondateurs de Women4Cyber. Toutes ces belles initiatives vont dans le même sens. Le Cefcys n’est pas une association féministe ou sexiste, on essaie de construire quelque chose et d’aller vers la parité. Dans le Cefcys on essaie de présenter une démarche, une initiative qui regroupe des femmes de tous horizons qui travaillent dans la cybersécurité quel que soit le métier. On serait ravi d’établir d’autres partenariats dans la mesure où nos objectifs vont dans la même direction.

Cette année vous travaillez sur des travaux en particulier ?

Le premier objectif c’est de former et d’aider les femmes à aller vers ces métiers [de la cybersécurité] à travers plusieurs actions. Le 22 février 2019 on a organisé un bootcamp pour parler des métiers de la cyber et les formations qui permettent d’aller vers ces métiers. Au-delà du mentorat et du coaching, on a pu faire des partenariats et les accords avec les écoles notamment la Wild Code School qui a commencé le 2 décembre 2019 pour qui j’ai participé à l’élaboration du programme pédagogique avec cette école. Les études que l’on a lancé l’année dernière avec Deloitte dont on attend les résultats en mars 2020, pour connaitre le positionnement des femmes de la cybersécurité dans les entreprises qui peuvent quitter ces métiers, et savoir pourquoi. Le projet de livre, un guide pour les métiers de la cybersécurité est aussi important.

On a beaucoup de projets pour 2020 mais il ne faut pas oublier que l’on vit avec les adhésions, pas de subventions, on est toutes des bénévoles. Plusieurs projets sont dans le pipe mais on va trier et faire passer les projets prioritaires, notamment l’objectif principal l’éducation, la formation, le mentorat, le coaching. On va lancer toujours avec la Wild Code School deux autres sessions de formation gratuite, une à Marseille, une à Paris à partir de mars pour des femmes qui souhaitent soit perfectionner leurs compétences cyber, soit de la reconversion. A tout âge, avec le minimum de background et de compétences, il y a toujours la possibilité d’aller vers ces métiers qui ne sont pas que techniques. Il fait juste être passionné, aimer et servir autrui et c’est ça toute la notion de cybersécurité.

*Le Cefcys compte plus de 250 adhérents et « sympathisants » dont 30% exerçant dans des métiers techniques (ingénieur, développeur…) 35% dans les métiers gouvernance  (consultante, RSSI, auditeur…) et 35% dans divers métiers (DPO, marketing, commercial, avocate..).

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