L’analytique souffre d’un manque de culture du vrai

Pour beaucoup trop d’entreprises, l’analyse est aujourd’hui biaisée par une culture consistant à modifier certains paramètres pour obtenir les résultats souhaités. Se recentrer vers des décisions fondées sur les données est central pour une analyse juste.

Au départ, il aurait dû y avoir une culture de l’analyse juste. Au lieu de cela, il y a eu le taux de rendement interne (TRI) – une formule polynomiale de calcul du retour sur investissement que seuls des comptables qualifiés pouvaient maîtriser. Le TRI définissait la valeur de l’entreprise dans une seule dimension d’analyse : les flux de trésorerie. Puis Dan Bricklin a co-inventé le tableur électronique, Visicalc, pour l’ordinateur Apple II. Comme Prométhée apportant le feu aux simples mortels, Dan Bricklin et son tableur ont permis à l’humanité entière de calculer des TRI elle-même.

Le problème ? Les managers ont rapidement compris comment faire plus que le calculer. Ils ont appris à ajuster leurs hypothèses – en modifiant les paramètres – jusqu’à ce que leurs générateurs de TRI arrivent infailliblement à la réponse qu’ils voulaient.

Le résultat ? Des cultures d’entreprise dans lesquelles les lacs de données, les datamarts, les entrepôts de données et les logiciels d’analyse ne sont guère plus que des plateformes pour le réglage des paramètres de gestion. Ils sont utilisés, non pas pour éclairer la situation, mais comme des munitions par ceux qui commencent par la décision qu’ils veulent et travaillent à rebours pour trouver les filtres et les paramètres nécessaires pour la soutenir. Et c’est là le secret honteux qui amène à une stratégie d’analyse trompeuse.

Du point de vue de la dynamique organisationnelle, la « culture » est définie comme « l’ordre des choses dans une entreprise ». Il s’agit du comportement acquis que les gens manifestent en réponse à leur environnement, ce qui, dans le monde des affaires, correspond principalement au comportement de ceux avec qui ils travaillent, et plus particulièrement au comportement des dirigeants avec qui ils sont en contact tous les jours. La culture est une boucle de rétroaction auto-renforcée. La changer, pour en faire une culture de l’analyse juste ou toute autre caractéristique culturelle, signifie réorganiser la boucle. Cela demande de la patience, de la persévérance et une bonne connaissance de soi.

Pour que la stratégie analytique de votre organisation fonctionne vraiment, vous devez passer du jeu habituel de la direction à une culture de l’analyse honnête. Voici neuf conseils et techniques pour vous aider à démarrer.

1. Faire preuve de curiosité

Si vous ne voulez pas savoir ce qui se passe vraiment, il est probable que les personnes qui sont sous votre responsabilité ne s’en soucieront pas non plus. Vos tableaux de bord, rapports financiers et autres formes d’écoute organisationnelle sont là pour vous informer au mieux et éveiller vos sens. Si ce n’est pas ce que vous voulez, ne prenez pas la peine de développer ces outils.

2. La confiance vient du doute

La certitude, en revanche, provient de l’arrogance – généralement, une arrogance paresseuse. Si quelqu’un est confiant et peut expliquer pourquoi, c’est merveilleux. Si sa certitude empêche tous les autres d’avancer leurs arguments, cette personne est un obstacle au progrès. Ignorez-la.

3. Commencez chaque décision en décidant du processus

Vous n’avez pas besoin d’être aux commandes pour encourager cette habitude. Posez simplement la question suivante : « Comment allons-nous prendre cette décision ? ».

Commencez par la décision et par un argument – une interaction dans laquelle l’objectif de chaque participant est de gagner, ou, à défaut, de refuser de perdre. Commencer par une conversation sur la façon de prendre la décision influence la discussion, pour savoir comment créer la confiance dans le résultat. Les résultats : Une meilleure décision, un consensus plus fort, et un peu plus d’employés qui voient les avantages d’une analyse honnête.

4. Ne créez pas de facteurs dissuasifs pour l’honnêteté

Si vous demandez des données honnêtes et que vous les utilisez pour « faire porter la responsabilité aux gens », vous n’obtiendrez pas de données honnêtes. Pourquoi le ferait-on ? L’alternative supérieure consiste à employer des personnes qui prennent des responsabilités sans avoir besoin de la menace d’une punition – ce que signifie généralement « demander des comptes » – pour les motiver. Cela fonctionne beaucoup mieux. Et, avantage supplémentaire agréable, cela exige moins d’efforts de votre part.

5. La « vue de 50 000 pieds » est une illustration, pas un argument

Une vision stratégique de haut niveau est essentielle pour concentrer les efforts de l’organisation. La « logique de haut niveau » en revanche peut être contradictoire. Ce sont les preuves et les analyses détaillées qui déterminent si la vue de haut niveau a du sens, ou si elle est simplement belle dans un PowerPoint.

6. Méfiez-vous des anecdotes et des métaphores

Utiles pour illustrer, les anecdotes et métaphores ne doivent pas être utilisées à des fins de persuasion. Les métaphores sont un outil remarquable pour expliquer votre point de vue ; les anecdotes peuvent être utiles si vous devez démontrer que quelque chose est possible. Pour tout le reste, vous avez besoin de preuves statistiquement valables. Il est indispensable de comprendre suffisamment bien les statistiques pour les évaluer. Cela fait partie de votre boîte à outils.

7. Les preuves trop éloignées de la source originale sont suspectes

Ne vous fiez pas aux résumés de résumés de résumés, surtout s’ils vous disent ce que vous voulez entendre.

8. Méfiez-vous de votre instinct

Il faut absolument l’écouter. Votre instinct est la voix de votre expérience et il ne faut pas l’ignorer. Mais ne lui faites pas confiance, car votre expérience est à la fois trop partiale et trop réduite pour constituer un échantillon statistique décent.

9. Construisez votre culture d’analyse honnête, une décision à la fois

Les sermons et les leçons ne fonctionnent pas. Souvenez-vous donc que la meilleure façon de construire une culture de l’analyse honnête est de prendre une décision à la fois. Plus important encore, trouvez comment vous empêcher de refaire la même erreur. Nous faisons tous des erreurs. Mais si nous faisons la même erreur encore et encore, ce n’est plus une erreur. C’est une mauvaise habitude, pour laquelle personne ne vend de patch ni de nouvelle plateforme pour vous aider à vous en défaire.

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