Le cloud a aspiré les bases de données

Les fournisseurs de bases de données traditionnelles sont en train d’être avalés par d’autres entreprises qui proposent une combinaison plutôt conviviale de cloud et d’open source.

On peut vous pardonner de croire qu’Oracle est le plus grand fournisseur de bases de données au monde. Après tout, la firme a revendiqué cet honneur pendant des décennies. Ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, Microsoft est le plus grand fournisseur de bases de données au monde en termes de revenus, comme le souligne Gartner dans un rapport sur l’année 2022, AWS passant devant Oracle pour prendre la deuxième place. Oracle, peut-être par pure inertie, arrive en troisième position mais a perdu du terrain chacune des deux dernières années. Google est quatrième. Qu’est-ce qui a provoqué ce changement tectonique sur le marché des bases de données ? Le cloud.

Comme l’a récemment écrit Merv Adrian, analyste au sein de l’équipe de gestion des données chez Gartner, « La plus grande histoire du marché [des bases de données] continue d’être l’impact énorme du transfert des revenus vers le cloud ». Cette affirmation est vraie mais incomplète, car ce n’est pas seulement le cloud qui a bouleversé le marché des bases de données autrefois stable. C’est plutôt la combinaison de l’open source et du cloud qui a changé la façon dont nous gérons nos données, peut-être pour toujours.

Double peine pour les bases de données traditionnelles

Si vous êtes un fournisseur de bases de données historique et que vous cherchez un coupable, ne cherchez pas plus loin que les développeurs. Pendant des années, les entreprises ont payé la dîme à la trinité pas si sainte des bases de données, à savoir Oracle, Microsoft et IBM. Les développeurs n’avaient d’autre choix que d’utiliser ce que les services juridiques ou des achats approuvaient. Du moins, jusqu’à ce que l’open source entre en scène.

La première version de PostgreSQL est sortie en 1986, et MySQL a suivi moins de dix ans plus tard, en 1995. Ni l’un ni l’autre n’ont supplanté les opérateurs historiques, du moins pas pour les charges de travail traditionnelles. MySQL a sans doute pris la voie la plus intelligente dès le début, en alimentant une foule de nouvelles applications et en devenant le « M » de la célèbre pile LAMP (Linux, Apache, MySQL, PhP/Perl/Python) que les développeurs ont utilisée pour créer la première vague de sites Web. Oracle, SQL Server et DB2, quant à eux, ont continué à gérer les charges de travail « sérieuses » de l’entreprise. Les développeurs ont adoré ces bases de données open source parce qu’elles offraient une liberté de création sans trop de frictions avec les décisionnaires traditionnels sur les engagements de dépenses, tels que les services juridiques et les achats. En cours de route, l’open source a fait son chemin auprès des acheteurs informatiques, comme le montre Gartner. Puis le cloud est arrivé et a poussé l’évolution des bases de données à un rythme effréné.

L’arrivée du cloud chamboule tout

Contrairement à l’open source, qui provenait de communautés et d’entreprises plus petites, le cloud est arrivé avec des budgets d’ingénierie de plusieurs milliards de dollars, comme décrit en 2016. Plutôt que de réinventer la roue des bases de données open source, les géants du cloud ont adopté des bases de données telles que MySQL et les ont transformées en services cloud comme Amazon RDS. Soudain, MySQL (dénigré par le fondateur d’Oracle Larry Ellison en 2018, bien qu’il en soit le propriétaire par le biais de l’acquisition de Sun par Oracle) avait le poids industriel nécessaire pour alimenter les applications d’entreprise à grande échelle.

Bien sûr, Oracle ou DB2 étaient encore derrière le système ERP d’une entreprise, mais pour l’essentiel du reste, les services de base de données cloud pour Apache Cassandra, MongoDB (information : je travaille pour MongoDB), MySQL, PostgreSQL et plus encore ont alimenté la vague suivante d’applications Internet et d’entreprise. « La plus grande force des bases de données traditionnelles est l’inertie », comme l’a déclaré Merv Adrian, de Gartner. Mais cette inertie cède la place aux avantages pratiques du cloud.

La commodité du cloud et le marché des bases de données

En jetant un coup d’œil au classement DB-Engines des bases de données les plus populaires au monde, on constate que si l’inertie a permis à Oracle de rester en tête (en termes d’offres d’emploi, de recherches sur Google et autres), sa position relative perd du terrain au profit des moteurs open source depuis des années. Si l’on regarde les 50 premières bases de données, l’ascension relative des bases de données cloud a été spectaculaire. Il est possible d’observer l’ascension et le déclin des bases de données dans cette vidéo pratique produite par DB-Engines. Adam Ronthal, analyste chez Gartner, a une autre façon d’envisager le passage du marché des bases de données au cloud, bien que mesuré en termes de revenus.

Evolution du classement des principaux fournisseurs sur le marché des bases de données entre 2011 et 2021 selon Gartner. (agrandir l’image)

Les entreprises qui ont adopté le cloud très tôt s’en sont bien sorties. En avril dernier, Merv Adrian a souligné dans son analyse des ventes de bases de données en 2021 qu’AWS a connu une croissance près de deux fois supérieure à celle de ce marché dans sa globalité, tandis que le pari de Microsoft sur le cloud l’a maintenu presque en ligne avec ce taux de marché de 22,3 %. En revanche, « le chiffre d’affaires d’Oracle dans le cloud a augmenté bien en dessous du rythme du marché » déclare Merv Adrian. Pour une entreprise qui a longtemps qualifié le cloud de « vapeur », la chute d’Oracle n’est peut-être pas surprenante. Les clients l’ont également remarqué. L’ancien analyste de Gartner, Fintan Ryan, a confié que, lorsqu’il travaillait pour Gartner, il n’avait entendu « pratiquement aucune mention d’Oracle pour les revenus issus des nouvelles [applications] ». Les clients mentionnaient plutôt Oracle dans le contexte du « maintien des données existantes ou de la migration ».

Qu’est-ce que cela signifie pour les professionnels de l’IT ?

Premièrement, il n’y a sans doute aucun moyen de remettre le génie « open source + cloud » dans la bouteille. Les développeurs ont facilement accès aux bases de données qu’ils souhaitent et peuvent facilement les exécuter par le biais de services gérés tels que BigQuery de Google. Deuxièmement, les professionnels de l’informatique doivent se familiariser avec un autre type de fournisseur informatique. Il est peu probable que les entreprises IT traditionnelles soient le premier choix pour les nouvelles charges de travail, comme le laisse entendre M. Ryan.

Quelques blocages persistent en effet sur les anciennes bases de données pour les charges de travail héritées, bien que les entreprises offrent une multitude d’outils pour migrer vers des bases de données plus modernes, basées sur le cloud. En ce qui concerne les charges de travail qui feront tourner l’entreprise à l’avenir, il faut s’attendre à travailler avec une toute autre catégorie de fournisseurs de bases de données, à l’exception de Microsoft, qui a très bien géré la transition vers le cloud.

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