Pourquoi le rachat de Slack par Salesforce aurait du sens

Selon des bruits de couloir, Salesforce serait en discussion avancée pour l’acquisition de Slack. Des analystes expliquent pourquoi cette opération est cohérente.

La presse américaine s’est faite l’écho de « pourparlers avancés » entre Salesforce et Slack pour une acquisition potentielle de la plateforme collaborative, pour un montant estimé à plus de 17 milliards de dollars. Ce n’est pas la première fois que des rumeurs de rachat de Slack sortent. On a prêté à Microsoft, Google et Amazon des velléités de rapprochement, sans que rien ne se concrétise. Si l’opération avec Salesforce venait à se réaliser, les analystes estiment que ce serait une bonne chose. Ainsi Angela Ashenden, analyste principale chez CCS Insights, explique « si ces rumeurs s’avèrent fondées, ce serait un acte positif pour les deux entreprises ».

D’autres s’interrogent. « La première question venant à l’esprit avec ces rumeurs est de savoir pourquoi Salesforce serait prêt à acquérir Slack étant donné que -malgré son acquisition de Quip il y a quatre ans- la productivité et la collaboration des employés n’entrent pas dans ses activités principales », glisse Raul Castanon, analyste principal chez 451 Research/S&P Global Market Intelligence. Angela Ashenden enfonce le clou en soulignant qu’en plus du rachat de Quip, « Salesforce a déjà fait des incursions dans la collaboration des collaborateurs avec le réseau social d’entreprises Chatter et le portail Community Cloud. Mais ces deux initiatives n’ont pas eu du succès au-delà des forces commerciales ».

Combler le vide entre expérience client et collaboration des employés

L’acquisition de Slack donnerait à Salesforce les moyens d’étendre ses outils sur l’expérience et d’aborder plus sereinement le marché de l’engagement collaborateur. « Si les deux sociétés s’intéressent mutuellement, le parcours client recoupe leur intérêt commun », indique Raul Castanon. Il ajoute, « la combinaison de leurs capacités pourrait aboutir à une approche globale ayant un impact significatif sur l’expérience client ». Un avis partagé par Angela Asheden, « l’intégration de Slack et son histoire seraient en harmonie avec la stratégie de Salesforce ».

Pour autant, rapprocher les communications entre les employés et les clients n’est pas un concept nouveau, observe Raul Castanon en citant l’exemple de Twilio sur les produits dédiés aux travailleurs en « première ligne » pendant la crise sanitaire. « Mais l’intersection entre le service client et la communication interne reste un espace à conquérir ». Slack a peut-être un début de réponse avec le lancement cette année de Connect, une fonction offrant aux entreprises d’interagir plus facilement avec des entités externes, des partenaires et des clients. « Le potentiel de Slack Connect et la création d’un réseau de collaboration B2B s’accordent parfaitement avec les métiers de Salesforce », déclare Angela Asheden.

Un coup de pouce dans la bataille entre Slack et Microsoft

L’autre raison, et non des moindres, d’une telle alliance est d’être plus fort face à Microsoft, présent sur les deux tableaux avec Teams et Dynamics pour la partie CRM. « Du point de vue de Slack, il est confronté à une formidable concurrence face à Microsoft et pourra tirer profit de son appartenance à une grande structure », admet Raul Castanon. Il faut dire que depuis le lancement de Teams en 2017, la plateforme collaborative de Microsoft a bien changé en intégrant plusieurs fonctionnalités et a bien grandi en accueillant aujourd’hui 115 millions d’utilisateurs actifs par jour.

Angela Asheden constate que Slack a vu sa croissance ralentir au cours des 18 derniers mois, notamment pendant la période de confinement. Salesforce pourrait contribuer à relancer une dynamique. « Slack a besoin d’un moyen d’augmenter sa présence sur le marché et d’investir dans ses produits, et faire cela en tant qu’indépendant peut être très difficile », reconnait l’analyste. Salesforce a déjà l’expérience de grosses acquisitions et d’intégration, notamment avec Tableau (en 2019 pour 15,3 milliards de dollars) et la plateforme d’intégration Mulesoft (en 2018 pour 6,5 milliards de dollars). L’intégration de Slack dans ses opérations constituerait également un défi et il pourrait le laisser opérer à distance en tant qu’unité autonome pendant un certain temps, comme cela a été le cas pour ses précédentes opérations de plusieurs milliards. « Cela signifierait inévitablement une intégration beaucoup plus poussée dans l’ensemble du portefeuille de Salesforce, mais il y aura de nombreux clients de Slack qui sont déjà clients de Salesforce, et ils ne pourront que bénéficier d’un resserrement des liens dans ce domaine », conclut l’analyste.

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