Quand les datasciences recrutent chez les personnes autistes

Auticonsult est l’une des premières entreprises de conseil et services en informatique en France à employer spécifiquement des personnes du spectre autistique pour des missions liées à au développement informatique et à l’exploitation des données. Ses coachs ont sensibilisé les équipes de la start-up Serenicity à l’autisme et accompagné ces collaborateurs atypiques à chaque étape de leur mission.

Le secteur des data connaît aujourd’hui un véritable boom. La demande de recrutement est forte mais les candidats formés à l’exploitation et à l’analyse des données sont trop peu nombreux sur ce marché. Ces métiers nécessitent de fortes connaissances en mathématiques, statistiques et informatique mais aussi de la rigueur, des capacités d’analyse et de mémorisation. Des compétences pour lesquelles les personnes autistes excellent. Pour autant, leurs difficultés à interagir socialement nécessite un accompagnement spécifique en milieu professionnel. Travailler en groupe, diriger une équipe, respecter les délais et gérer leur stress sont autant d’obstacles à leur insertion professionnelle. Une formation à la communication en entreprise et un accompagnement en poste sont donc indispensables. Pour pallier les difficultés des consultants sur le spectre de l’autisme – qui résident principalement dans les domaines du social et de la communication – Auticonsult propose un service de coaching a ses clients.

Cofondée en septembre 2015 par Flora et Franck Thiébaut, ainsi que Manfred Moll, cette société de conseil et services en informatique est l’une des premières en France à employer spécifiquement des personnes du spectre autistique. La société est une filiale d’Auticon, qui a lancé ce modèle d’entreprise sociale en Allemagne en 2011. Elle compte actuellement 16 succursales dans 8 pays différents (France, Allemagne, Royaume-Uni, Suisse, Italie, Etats-Unis, Canada, Australie) et plus de 210 consultants autistes en poste. Selon Flora Thiébaut psychologue clinicienne et co-fondatrice d’Auticonsult France, les qualités des personnes autistes représentent une réelle valeur ajoutée pour le monde du travail, et particulièrement dans les domaines des technologies de l’information. « Précision, logique implacable, rapidité d’exécution, capacités de concentration, reconnaissance de schémas (pattern recognition​) et facilités à repérer les erreurs sont entre autres les qualités par lesquelles se distinguent nos consultants », nous a-t-elle confié. Ces derniers sont en mesure de répondre de façon efficace et innovante à des besoins de la direction générale des services informatiques dans des domaines tels que les big data et le développement, la cybersécurité, le testing et la migration de logiciels. Leur force ? 

Une perception différente des données

Pour la dirigeante, les personnes autistes ont des capacités cognitives particulières, un sens du détail aiguisé et un regard décalé qui leur permet de faire rapidement des choix et de manipuler la programmation informatique comme personne ! « Les informaticiens du spectre autistique sont capables de trouver des récurrences d’algorithmes dans un amas de données chaotiques », précise Flora Thiébaut. Elle considère qu’avoir des professionnels autistes et non autistes dans des équipes de projet mixtes ouvre les perspectives et améliore souvent de façon significative le rendement du travail. Les collaborateurs autistes du groupe de conseil sont déployés sur des projets clients qui correspondent à leurs compétences et leur expertise, et ils travaillent au sein de l’équipe projet du client.  Des « job coachs » spécialement formés fournissent aux consultants autistes une formation à la communication en entreprise et un accompagnement en poste.

Le groupe propose également aux entreprises des services de sensibilisation à l’autisme et une adaptation ergonomique du poste si nécessaire. Ces coachs restent ensuite en tant que conseillers disponibles pour le collaborateur autiste, son manager et ses collègues. Cyrille Elsen, DSI chez Serenicity, une entreprise de cybersécurité ciblant les PME et TPE, témoigne d’une collaboration réussie avec les équipes d’auticonsult. « En étant accompagné par des professionnels, on arrive à établir le contact avec des personnes aux capacités cognitives incroyables, rapporte l’ex DSI du groupe Casino. « Cette première expérience de collaboration avec Auticonsult a duré deux ans, ce qui a assez exceptionnel car en général nous faisons appel à des consultants sur des missions courtes et parfois, cela ne se déroule pas toujours comme on l’aurait souhaité. », a-t-il ajouté. 

Chez Serenicity, l’accent a été mis sur l’encadrement

D’après lui, c’est exactement l’inverse qui s’est produit lors de la première collaboration de Serenicity avec ces talents dotés d’une force cognitive hors du commun qui leur permet de développer des algorithmes très complexes. « En mode distanciel, notre collaborateur autiste a réussi a concevoir un module d’IA dédié à la cybersécurité et à fournir un produit livrable », raconte le dirigeant. Toutefois, pour que cela matche, l’entreprise s’est organisée pour intégrer au mieux son consultant. Elle a réadapté certains de ses processus, sensibilisé ses équipes qui ont bien voulu jouer le jeu et surtout écouté les conseils des coachs d’Auticonsult. Si le besoin s’en fait sentir au début de la mission, ces mentors interviennent par exemple pour aider les personnes à effectuer les différents trajets pour se rendre au lieu de travail.

Ils peuvent aussi jouer un rôle de médiateur entre le client et le consultant, proposer le soutien individuel dont les consultants ont besoin pour être productifs au travail et guider ces dernier sur les aspects techniques ou fonctionnels de leurs missions. Pour le dirigeant, c’est la mise en place d’un tel écosystème qui fait en sorte que cela fonctionne. « Sans accompagnement, on peut vite être confronté à des situations compliquées qui peuvent mettre à mal les équipes, prévient Cyril Elsen. « Maintenant c’est du management comme un autre avec des collaborateurs qui ont des particularités comme d’autres au sein d’une entreprise », conclut le DSI.  

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