Retrouver le replay de la conférence sur les nouvelles organisations du travail post-covid19

Le 18 mars, notre web matinée Enjeux RH « Après la covid-19, les nouvelles organisations du travail » traitait de l’impact de la pandémie sur ces dernières, et ce qu’il en restera. Nous en avons parlé avec Hélène Gemähling, DRH de Nespresso et Fabien Girerd fondateur de Jooxter. Stéphane Gannac a partagé les ambitions de télétravail à la carte de la Mutuelle Générale. Puis nous avons ouvert la porte de l’avenir des bureaux avec la DRH d’Amazon France, le DG de Dropbox France et la directrice du design de Fabernovel. Retrouvez-les en replay.

Depuis mars 2020, le covid-19 et son lot de confinements, couvre-feux, télétravail à 100%, fermetures de magasins et autres mesures sanitaires, a bouleversé l’organisation du travail. Enjeux RH et Le Monde Informatique ont réuni témoins et experts pour tenter d’identifier ce que les entreprises garderont de cette période chaotique, pour se transformer pour de bon.

Pour commencer et se détacher de quelques mythes liés au covid-19, nous revivrons cette année difficile avec Hélène Gemähling, DRH de Nespresso France (1350 employés). À l’exception du personnel des boutiques, les équipes ont replongé dans le télétravail à 100% depuis le 5 octobre 2020. La fatigue, la lassitude se font sentir, en particulier depuis le retour des congés de fin d’année, comme l’admet la DRH. « Nous avions déjà un accord de 2 jours de télétravail depuis 3 ans, rappelle-t-elle. Il pourrait évoluer, mais je ne crois absolument pas à ce télétravail à 100%. Toutes les rencontres informelles dans les couloirs, au café, lors d’un déjeuner sont essentielles pour la culture d’entreprise. On a besoin de vivre les choses, de les partager, d’intervenir spontanément. » Un constat partagé par tous nos intervenants.

Hélène Gemähling, DRH de Nespresso France, raconte les difficultés et les leçons tirées de 2020. (Retrouvez notre échange à 2’00)

Un soutien entre métiers

Les RH de Nespresso France n’ont pourtant pas ménagé leur peine. Des règles ont été définies dès le premier confinement, en vue de respecter la limite entre vie professionnelle et vie privée, comme des plages libres inviolables entre 12h30 et 14h. Certains process, comme le séminaire d’intégration, ont basculé en digital, et des formations ont été mises en place ainsi qu’un accompagnement spécifique des managers, qui perdure.

Tous les métiers de l’industriel du café sont représentés en France, à l’exception des usines, toutes en Suisse. Durant le premier confinement, la majorité des 450 employés du siège et de la relation client a basculé en télétravail. Les salariés des 35 boutiques sont passés en absence autorisée rémunérée. Quelques magasins ont pratiqué la préparation de commandes pour le click-and-collect. Des personnels du siège se sont portés volontaires pour les aider comme certains membres des forces de vente ont prêté main-forte au centre de relation client, très sollicité.

Les bureaux, symboles de la culture d’entreprise

La pandémie a aussi démontré, chez Nespresso France, l’importance pour la culture d’entreprise de s’approprier les locaux physiques. Hélène Gemähling a ainsi raconté comment les équipes de la filiale de Nestlé ont été les premières à investir le nouveau siège français du groupe en février 2020. Trois semaines insuffisantes pour s’approprier les lieux. « Les collaborateurs étaient un peu anxieux de quitter le cocon Nespresso, mais ont été agréablement surpris, raconte la DRH. La culture se voit aussi au travers des murs, des visuels, des rituels informels. Cela nous manque ! » Aussi, malgré la situation, Hélène Gemhaling réfléchit à une crémaillère, respectueuse des mesures sanitaires.

Fabien Girerd, fondateur de Jooxter, a transformé sa solution de gestion des salles de réunion, en gestion des espaces de travail (retrouvez notre échange à 20’00).

C’est ensuite Fabien Girerd, qui nous a raconté comment il s’est retrouvé, à partir de mars 2020, aux premières loges pour observer la transformation de l’organisation du travail chez ses clients, pour la plupart de grandes entreprises. La startup Jooxter qu’il a créée en 2014 propose en effet de gérer les salles de réunion et autres espaces de travail. Les collaborateurs équipés de l’app réservent une salle ou un poste. Avec la pandémie, ses clients ont dû gérer des bureaux dans lesquels chacun venait de façon sporadique et aléatoire. Ils ont progressivement demandé à la jeune pousse d’élargir son champ d’action pour mieux s’organiser.

L’app en SaaS est alimentée par les plans des bureaux, une définition de la typologie des espaces et les règles de leur utilisation. Les collaborateurs s’inscrivent sur l’app et valident leur présence en scannant les QR codes à l’entrée des salles de réunion ou au niveau des postes de travail. « Un grand cabinet de conseil italien qui utilisait Jooxter depuis 3 ans, nous a demandé de l’installer dans ses 50 bâtiments et pour ses 5000 collaborateurs, raconte Fabien Girerd. Nous l’avons fait en 4 semaines. Ce que nous avons déployé pour les bureaux de travailleurs nomades convient aussi à la gestion de la crise actuelle pour tous les collaborateurs. »

De son côté, dès l’été 2020, la Mutuelle Générale a constaté que le télétravail à 100% n’avait nullement dégradé la qualité du service aux adhérents. Sous l’impulsion de sa direction générale, elle imagine alors une transformation radicale : donner à chacun de ses 1600 employés le choix entre 0 et 5 jours de télétravail hebdomadaire dans le lieu qu’il souhaite. Stéphane Gannac, directeur général adjoint RH, projets et prévention santé, a détaillé lors de notre matinée, cet imposant projet Open Travail.

Retrouvez notre le replay de notre webconférence « Après la covid-19, les nouvelles organisations du travail »

Aujourd’hui, la Mutuelle Générale est en phase de négociation du cadre avec les représentants syndicaux. Dès l’été dernier, ceux-ci ont participé avec 80 collaborateurs volontaires de tous métiers et niveaux hiérarchiques à la définition de cette nouvelle organisation. « L’idée est de concilier des aspirations personnelles et la qualité de service due à nos adhérents, a précisé Stéphane Gannac. L’employé trouve plus d’autonomie dans le travail à distance. Et cela nous permet de conserver les compétences quand un conjoint est muté en province par exemple ou d’étendre le recrutement au-delà de Paris. Un collaborateur épanoui est un collaborateur motivé. Et l’entreprise gagne à cette motivation. »

Le télétravail à la carte plébiscité, malgré la lassitude

Depuis septembre, la Mutuelle Générale a formé tous ses managers au management hybride. Pour Stéphane Gannac, « le management a été habitué à suivre les objectifs, à planifier l’activité, à piloter son business. Il doit désormais s’occuper davantage de détecter les signaux faibles chez les salariés sur le travail à distance, être beaucoup plus humain. » Pour gérer cette organisation beaucoup plus complexe et flexible, l’entreprise est aussi en cours d’appel d’offres pour des outils de gestion de ce fonctionnement hybride : savoir qui est présent mais en télétravail, qui est joignable, à quel moment, qui est en congé, etc. Certains employés, récents, ou plus en difficultés, bénéficieront d’un accompagnement spécifique. « L’objet des négociations avec les partenaires sociaux est justement d’encadrer ces possibilités d’accès au télétravail, mais aussi de limitation en cas de problèmes d’autonomie, par exemple », insiste Stéphane Gannac.

Stéphane Gannac, DGA RH, projets et prévention santé de La Mutuelle Générale explique comment l’entreprise laissera ses collaborateurs choisir leur nombre de jours de télétravail et leur lieu de travail. (Retrouvez notre échange à 43’00)

La Mutuelle Générale s’est appuyée sur des enquêtes auprès de ses collaborateurs. « En février, 90% d’entre eux sont toujours favorables au télétravail, comme en juillet, précise Stéphane Gallac, mais qui plus est, la plupart souhaitent entre 3 à 4 jours de travail à distance, contre seulement 2 à 3 jours, l’été dernier. La lassitude liée à la situation de crise n’a pas altéré cette appétence.» Les baromètres serviront aussi à suivre la façon dont la nouvelle organisation est vécue. Tout est à inventé dans le projet et celui-ci va être suivi de près. « Nous allons défricher et donc ajuster. »

Selon Stéphane Gannac, si ce n’était absolument pas le but de départ, avec 40% des salariés présents sur site selon le baromètre, garder la totalité des m2 relèverait de la mauvaise gestion. Et les locaux existants feront plus de place au collectif, aux salles de réunion, aux lieux de rencontre informelle car les employés devront venir au minimum 4 jours par mois au bureau pour des événements collectifs, maintenir le sentiment d’appartenance.

Des bureaux physiques transformés, pas supprimés

Nous avons justement conclu notre matinée avec un débat sur ce sujet du devenir des espaces physiques de travail avec Anne-Marie Husser DRH d’Amazon France, Thibaut Champey, DG de Dropbox France et Mathilde Maître, directrice du design chez Fabernovel.

Amazon France a étendu et rénové ses bureaux de Clichy fin 2019. Ils accueillent quasiment l’ensemble de ses métiers d’Amazon à l’exception du cloud AWS et de la logistique. Dans cette structure Eiffel, pas plus de 10 bureaux individuels, ni d’open space. La configuration très « Silicon Valley » est composée de lieux de convivialité, des « phone booths » (cabines téléphoniques) pour s’isoler du bruit, des espaces de différentes capacités, ouverts ou fermés, pour se retrouver en équipe. « Cela nous permet de nous adapter aux modes de travail liés à la pandémie, » explique Anne-Marie Husser, même si Amazon est encore aujourd’hui à 100% en télétravail. Chez Dropbox, pur cru de la Silicon Valley, les bureaux ouverts, conviviaux, étaient aussi déjà une réalité. Comme chez le Gafa, les espaces individuels n’existent plus, on privilégie le brainstorming, les réunions, l’accueil de clients, ou les espaces créatifs ou de sport.

Anne-Marie Husser, DRH d’Amazon France, Mathilde Maître, directrice du design chez Fabernovel et Thibaut Champey, DG de Dropbox France décryptent l’avenir des espaces physiques de travail.

Comme beaucoup d’entreprises étatsuniennes du numérique, Amazon et Dropbox ont déjà l’habitude, y compris en France, d’équipes composées de collaborateurs répartis sur site, à distance, dans différents pays…  Pour les deux entreprises, la notion de retour au bureau post-covid correspond à un aménagement plus propice à la collaboration ou à l’échange informel. Chez le GAFA, les bureaux physiques sont organisés en fonction des différentes configurations le travail que les collaborateurs rencontrent au long d’une journée. « C’est le fruit d’une étude approfondie à la fois de l’occupation de l’espace de travail des postes de travail individuels et des attentes des salariés », précise Anne-Marie Husser.

Chez Dropbox, une réflexion sur le long terme

Dropbox s’est plutôt adapté au fil de l’eau, avant de se rendre compte que l’approche court-termiste causait beaucoup de stress. « Nous avons demandé à nos collaborateurs quelle organisation ils préféraient et comment ils voyaient l’avenir de Dropbox en termes de de collaboration et de travail, raconte Thibault Champey. La plupart ne se voyaient pas revenir 5 jours sur 5 au bureau. » Le covid-19 a poussé le Californien vers une réflexion à long terme sur l’organisation des espaces de travail, avec le projet de Dropbox Studios. Les premiers devraient ouvrir à Tel-Aviv dans quelques semaines avant d’être déclinés partout. La France qui compte une vingtaine de personnes à Paris devrait ouvrir le sien cet été.

L’entreprise n’a pas encore complètement défini son concept. Mais il s’agit de donner de la souplesse entre travail à domicile, dans un autre lieu, dans un coworking, ou dans un Dropbox Studio pour collaborer. Parmi les piliers du projet, on trouve la suppression des bureaux individuels, le prolongement des aides à l’équipement informatique ou mobilier des collaborateurs, etc. « Cela laissera plus de liberté et d’autonomie, et mettra aussi tout le monde sur un pied d’égalité, constate Thibault Champey. Les télétravailleurs ou ceux qui sont dans un centre-ville, à proximité d’un studio, pourront avoir la même expérience. »

Construire un parcours utilisateurs des espaces de travail

« On doit évoluer pour passer dans une autre configuration d’espace physique » confirme Mathilde Maître, directrice du design de Faber Novel. Avec des degrés de maturité différents sur le sujet, les entreprises ont fait appel à elle avec deux questions principales. Ils se demandent d’une part, comment donner envie aux équipes de revenir au bureau, et d’autre part, s’il faut continuer à investir dans l’espace physique ou si le bureau est définitivement mort. « Selon nous, le bureau n’est pas mort, estime Mathilde Maître. Il doit se réinventer. » Comme chez Amazon et Dropbox, l’idée est de correspondre au modèle hybride entre espace physique pour se retrouver avec ses collègues plutôt pour de la collaboration. Mais le bureau aujourd’hui c’est aussi un espace chez moi, dans un co working. La façon dont on travaille aujourd’hui est complètement décentralisée et c’est ça qu’on doit orchestrer. « Il faut construire un parcours utilisateur, explique la directrice du design, dessiner toutes les interactions entre les ressources les personnes les lieux, les orchestrer pour que tout se passe bien, de choisir les bons outils numériques ou non pour donner une bonne expérience collaborateur. » Autrement dit, faire du design, au sens industriel du terme, d’espaces de travail.

Rendre les bureaux attractifs pour motiver le retour

Les employés ont appris à être efficaces, autonomes, en télétravail. Il faut donc rendre les bureaux physiques attractifs, rassurer sur les aspects sanitaires. Le mix hybride entre présentiel et distanciel doit être finement designé, pensé pour que ça se passe bien et qu’on soit dans un climat agréable pour mener à bien ses différentes activités. « Tout commence sur le terrain auprès des collaborateurs, en les interviewant, en passant du temps avec eux, à essayer de comprendre en profondeur leurs besoins, leurs attentes, la façon dont ils mènent telle ou telle activité, explique Mathilde Maître. Il y a rarement une seule façon de travailler pour l’ensemble des collaborateurs et des métiers. Quand un DRH se pose la question d’un passage en flex office, sans bureau, la réponse ne peut pas être oui non. Il faut mener cette étude de terrain

Nous travaillons toujours sur un aménagement de bureau local, ancré dans un territoire. Notre réponse sera contextualisée. » pas question par exemple de plaquer le modèle open space ou flex office sans réflexion. Pas question non plus d’oublier l’adaptation locale. « Je travaille en ce moment avec nos équipes de San Francisco sur ce que sera le studio parisien, » raconte Thibault Champey avant de plaisanter sur l’indispensable remplacement du cupcake californien par des macarons !  Chez Amazon France, à Clichy, les employés ont demandé à revenir mais voulaient éviter la très chargée ligne 13 du métro parisien. La filiale France a donc mis à disposition vélos et trottinettes électriques.

Bientôt le tour des usines et des entrepôts

Mathilde Maître a confirmé qu’aujourd’hui, tous les secteurs s’interrogent sur le rôle des bureaux physiques, même si les services et le numérique sont les plus avancés dans les réflexions autour de modèles hybrides ou de flex office. Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, la question se pose aussi dans d’autres espaces de travail comme les usines ou les entrepôts. Notamment sur la digitalisation des outil, l’optimisation des processus. « Dans ce cas, le design part plutôt de l’employé de l’usine qui réalise différentes tâches, continue la directrice du design de Fabernovel. Il y a aussi beaucoup de choses à changer sur ce terrain-là, mais les sujets sont différents ! » Quelle que soit l’entreprise ou son secteur d’activité, la question de l’espace physique de travail devient une préoccupation centrale des RH.

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