5 choses à savoir sur Slack avant son IPO

Juste avant le week-end, Slack, l’éditeur du logiciel de collaboration d’entreprise éponyme, a déposé une demande d’introduction en bourse en cotation directe, ce qui permet d’avoir un premier aperçu réel de sa situation financière et de ses inquiétudes par rapport au marché.

Pour « récompense » ses fondateurs et ses premiers employés, Slack entame une procédure d’introduction en bourse en cotation directe. (Crédit Slack)

La première chose à remarquer, c’est que, comme Spotify l’an dernier, Slack a opté pour la cotation directe au lieu de choisir une introduction en bourse traditionnelle. Cela signifie d’une part que les investisseurs et les salariés actuels peuvent encaisser leurs actions en les vendant directement au public, et d’autre part que Slack peut se passer du soutien intermédiaire des banques, comme c’est habituellement le cas. Incroyablement populaire sur le marché, on dit souvent que Slack est l’application qui, parmi toutes, a connu l’adoption la plus rapide dans l’entreprise. Aujourd’hui, le service de collaboration compte 10 millions d’utilisateurs quotidiens actifs, dont une grande partie profite de la formule d’abonnement gratuite : « Au 31 janvier 2019, Slack comptait plus de 600 000 entreprises de trois utilisateurs ou plus, dont plus de 88 000 clients payants… et plus de 500 000 entreprises en abonnement gratuit », comme l’indique le formulaire S-1 de dépôt de demande d’IPO.

1 – Stratégie d’expansion grands comptes

Dans ce document, Slack explique également sa stratégie de vente, centrée sur une approche « d’installation et d’expansion » dans les grandes entreprises où elle a déjà été intégrée. « Nous nous concentrons de plus en plus sur les ventes aux grandes entreprises car elles peuvent accroître encore la volatilité de nos résultats financiers », indique le document. « Pour faire adopter Slack par d’autres grandes entreprises, nous devrons peut-être nous engager plus fortement avec les équipes de direction et d’autres responsables de l’entreprise, et pas seulement faire accepter Slack par les employés, lesquels sont souvent les premiers utilisateurs de notre logiciel. Ces efforts de vente ciblés sur les grandes entreprises impliquent des coûts plus élevés, des cycles de vente plus longs, une plus grande concurrence et moins de prévisibilité dans la réalisation de certaines de nos ventes. Sur le marché des grandes entreprises, la décision d’utiliser Slack, d’étendre son utilisation et/ou d’opter pour une version payante peut parfois être prise à l’échelle de l’entreprise. Pour cela, nous dédions généralement des équipes et offrons des formation plus pointues aux utilisateurs potentiels et aux clients afin de les familiariser à l’usage et aux avantages de Slack, sans parler des design et des projets d’intégration spécifiques que nous développons pour les entreprises ». 

Un peu plus loin dans sa demande d’introduction, l’éditeur reconnaît également le risque d’une telle approche, en précisant : « Notre stratégie marketing dépend en partie des utilisateurs et/ou des entreprises qui utilisent la version gratuite de Slack et de leur capacité à convaincre d’autres employés à utiliser Slack et à opter pour une formule d’abonnement payante Standard, Plus ou Enterprise Grid. Dans la mesure où certains de ces utilisateurs et entreprises ne deviennent pas eux-mêmes, ou ne poussent pas d’autres à devenir des clients payants, nous ne réaliserons pas les bénéfices escomptés de cette stratégie marketing ».

2 – Microsoft, rival N° 1 désigné

Les éditeurs de solutions de collaboration pour l’entreprise seront peut être un peu jaloux à la lecture de ce dossier de demande d’introduction en bourse, car Slack désigne clairement Microsoft comme son principal concurrent. Outre Microsoft et son offre en bundle d’Office 365, Skype for Business et Microsoft Teams, Slack compte d’autres concurrents sur ce marché : « C’est le cas des fournisseurs d’outils de productivité et de messagerie électronique, comme Alphabet (avec G Suite, Chat et Meet) ; des fournisseurs de communications unifiées, comme Cisco ; et d’éditeurs d’applications grand public ayant mis un pied dans le marché des logiciels professionnels, comme Facebook (Workplace) ». « En outre, les offres de produits de certains de nos principaux concurrents sont beaucoup plus larges et tirent parti de leurs relations basées sur d’autres produits ou intègrent des fonctionnalités à des produits existants pour gagner des clients, ce qui décourage les utilisateurs d’acheter Slack, y compris en vendant à marges nulles ou négatives, en regroupant des produits ou en utilisant des plateformes technologiques fermées », explique encore l’éditeur dans le formulaire. Ce dernier reconnaît également son manque de diversité en matière de produits, affirmant que : « Nous tirons et prévoyons de tirer la quasi-totalité de nos revenus d’un seul produit, Slack. Par conséquent, la croissance continue de la demande et de l’acceptation de Slack par le marché est essentielle pour notre réussite à long terme ». 

3 – La question de la rentabilité

Le manque de rentabilité n’est pas exceptionnel pour les entreprises technologiques à forte croissance, et le fait de dire : « nous avons un historique de pertes nettes, nous prévoyons une augmentation des dépenses d’exploitation, et nous pourrions ne pas atteindre ou ne pas maintenir un niveau de rentabilité », est assez commun chez les licornes technologiques. Cependant, l’an dernier, les revenus de Slack sont passés de 220,5 à 400,6 millions de dollars, les pertes ont été légèrement réduites, passant de 140,1 millions de dollars à 138,9 millions de dollars en raison de dépenses passées de 338 à 503 millions de dollars. Cela dit, plus tôt ce mois-ci, l’éditeur du logiciel de visioconférence Zoom a prouvé que la rentabilité pouvait être atteinte et le marché a fortement réagi à ce rebond.

4 – La peur du RGPD

Les amendes réglementaires et les atteintes à la sécurité constituent un facteur de risque majeur pour une entreprise qui détient autant de données que Slack. Comme indiqué dans les facteurs de risque du formulaire S-1 de la Securities and Exchange Commission (SEC) : « Tout incident de sécurité réel ou suspecté, entraînant ou non un accès non autorisé à, ou l’acquisition, la divulgation ou le transfert non autorisé de données personnelles ou autres, peut entraîner des actions et des poursuites gouvernementales, des procédures contentieuses privés, des amendes et des pénalités, ou une publicité négative et une perte de confiance de la part des entreprises, ce qui pourrait avoir un effet négatif sur notre réputation et nos activités ».

« Étant donné que de nombreuses fonctionnalités de Slack impliquent le traitement de données personnelles ou d’autres données d’entreprise, de leurs employés, sous-traitants, clients, partenaires et autres, toute incapacité à répondre de manière appropriée aux préoccupations de confidentialité, même si elles ne sont pas fondées, ou à se conformer aux lois, règlements et politiques applicables en matière de confidentialité ou de sécurité des données pourrait se traduire par des litiges, nuire à notre réputation, à nos ventes et à nos activités ». Le document fait aussi directement référence à un risque d’amende pouvant atteindre jusqu’à 20 millions d’euros, soit 4 % du chiffre d’affaires mondial, en cas de non conformité au RGPD.

5 – Investir dans l’apprentissage machine

Comme toute entreprise technologique digne de ce nom, le formulaire S-1 est truffé de références aux technologies émergentes, en particulier à l’apprentissage machine et à sa capacité à « rationaliser davantage le travail par une automatisation des flux ». « Pour rester compétitifs, nous devons continuer à développer pour Slack de nouvelles fonctionnalités, de nouvelles intégrations, fonctionnalités et améliorations. C’est particulièrement vrai à mesure que nous élargissons et diversifions nos capacités pour répondre à de nouvelles applications et à de nouveaux marchés », indique le formulaire IPO déposé par Slack. L’éditeur a également alloué un important budget de R&D pour garder son avantage technologique, même s’il reconnaît également la puissance financière de ses concurrents. « Bon nombre de nos concurrents consacrent des sommes beaucoup plus importantes à leurs programmes de recherche et développement respectifs, et ceux qui ne le font pas peuvent être rachetés par de plus grandes entreprises qui ont la capacité d’affecter davantage de ressources aux programmes R&D de nos concurrents », poursuit le document.

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