Les développeurs partagés après le rachat de GitHub par Microsoft

L’image d’un éditeur hostile à l’open source colle encore à la peau de Microsoft pour certains développeurs. Ceux-là voient d’un très mauvais oeil le rachat du référentiel de code GitHub et s’apprêtent déjà à passer sur GitLab ou BitBucket. D’autres prennent en compte le virage radical opéré vers l’open source par le CEO de Microsoft Satya Nadella.

Après l’annonce du rachat de GitHub par Microsoft, certains utilisateurs du référentiel de code open source ont déjà indiqué leur décision de passer sur BitBucket ou GitLab. (Crédit : D.R.)

Le rachat par Microsoft du très populaire service d’hébergement de code GitHub pour 7,5 milliards de dollars déclenche des réactions partagées parmi les développeurs. Si l’implication de Microsoft dans le monde open source s’est radicalement renforcée avec l’arrivée de Satya Nadella comme CEO, comme le reconnait une partie des commentaires sur les forums et sur Twitter, nombreux sont ceux qui s’interrogent ou s’inquiètent. Certains vont jusqu’à prédire la mort du site de partage de code. Comme on pouvait s’y attendre, des réactions épidermiques se sont immédiatement déclenchées à l’annonce du rachat, même si les rumeurs qui couraient à ce sujet depuis une semaine ont réduit l’effet de surprise.

Un certain nombre de développeurs ont déclaré tout de go qu’ils allaient quitter sans délai le référentiel open source basé sur Git (logiciel de gestion de versions conçu par le créateur de Linux, Linus Torvalds). Les deux principaux concurrents, GiLab et BitBucket, sont d’ailleurs tout prêts à leur ouvrir les bras. « J’envisageais déjà de transférer tous mes référentiels sur GitLab, c’est le coup de pouce qui me manquait pour le faire », peut-on lire par exemple sur un forum de Reddit. Dans un tweet le 4 juin, GitLab indique de son côté avoir vu le nombre de nouveaux clients multipliés par 5, avant d’annoncer un peu plus tard l’arrivée sur son référentiel du projet Xcode 10 d’Apple.

L’évolution de Skype ou celle de Mono ?

« Les grosses acquisitions se déroulent rarement comme on le voudrait », note sur le site de partage dev.to l’ingénieur logiciel Jilles van Gurp, d’Inbot, en pointant néanmoins le virage opéré ces dernières années par Satya Nadella. « (…) La bonne nouvelle, c’est que Github est basé sur Git et qu’il est facile d’en partir. Mon projet actuel est passé de Bitbucket à Gitlab et finalement à Github », relate-t-il en signalant les quelques inconvénients à passer de l’un à l’autre site d’hébergement. Avec opportunité, GitLab lui-même a publié dès le 3 juin un billet pour féliciter GitHub de son acquisition par Microsoft, estimant que celle-ci validait « l’influence croissante des développeurs de logiciels dans le monde ». Au passage, le site concurrent livre un petit historique sur la collaboration entre développeurs évoquant les serveurs ftp et les débuts de SourceForge. GitLab en profite aussi pour marquer sa différence. « Plutôt que d’intégrer plusieurs outils ensemble, nous croyons dans une application unique (…) pour supporter le cycle de vie DevOps complet », indique notamment le rival de GitHub.

Une partie des développeurs qui sont inquiets du rachat évoquent la façon dont Microsoft a fait évoluer Skype, mal selon eux. Racheté en 2011, le logiciel open source est passé d’un outil de communication peer to peer à une solution cloud. Analogie que d’autres réfutent en jugeant qu’il est plus logique de se référer en l’occurrence au rachat de Xamarin dont l’équipe a créé le framework de développement open source Mono. Ce dernier n’a selon eux pas pâti de l’acquisition par Microsoft, bien au contraire, estiment certains. Mono permet aux développeurs C# d’écrire du code transplateforme pour Windows, MacOS, Linux, Android ou iOS. Signe ou non de sa volonté d’inspirer confiance aux développeurs, c’est d’ailleurs à Nat Friedman, le CEO de Xamarin et familier du monde open source, que Microsoft a confié la direction de GitHub.

De nombreux référentiels privés sur GitHub

D’Apple à Microsoft, en passant par Amazon, Google, Facebook ou IBM, tous utilisent GitHub pour y stocker du code et collaborer de façon privée sur leurs propres logiciels. Mais parmi eux, le principal contributeur au site d’hébergement de code est Microsoft, font remarquer ceux qui trouvent logique de voir l’éditeur de Redmond emporter la mise. Puisque de toutes façons, GitHub semblait voué au rachat (absence de CEO, problèmes financiers…), d’autres s’y intéressaient aussi. Dans un tweet, un développeur engagé dans le programme Windows Insider MVP imagine alors avec humour ce qu’un autre acquéreur aurait pu entraîner : avec Apple, des projets limités à XCode, avec Google, des publicités partout, avec Facebook, partager les données avec tous les projets, etc.

Microsoft a embarqué sur GitHub sous licence open source certains de ses plus importants projets, dont PowerShell, le framework .Net et le moteur JavaScript Edge, rappelle le site thehackernews.com. Parmi les questions soulevées par le rachat, un professeur à l’Université de Gand rappelle que de nombreuses entreprises paient pour travailler de façon collaborative sur GitHub dans des référentiels privés. Il trouve potentiellement dommageable que GitHub ait vendu sa plateforme à un concurrent potentiel de ces entreprises. Il s’agit pour lui d’une rupture de confiance et juge qu’il ne s’agit pas d’une situation saine, même si Microsoft s’avère être un bon intendant de l’héritage de Github. D’autres lui font remarquer que Microsoft ne s’aventurera pas à rompre cette confiance car cela tuerait le service. Par comparaison, Netflix est hébergé sur AWS qui a lui-même un service concurrent avec Prime Video.

Du côté de Microsoft, on s’attendait bien sûr à ces réactions. « Je comprends pourquoi les gens sont nerveux à ce sujet », admet ainsi dans un échange sur Twitter Sarah Drasner, senior developer advocate chez Microsoft, « mais je suis optimiste, en considérant des projets comme vscode, que Microsoft a beaucoup changé en mieux et peut aider à soulager certains problèmes financiers de GitHub », avant d’anticiper : « Je pense toutefois que nous allons voir beaucoup de défections avant que les choses ne se stabilisent ».

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